Décès de Jeanne Hercent

Décès de Jeanne Hercent

Décès de Jeanne Hercent

Le Pajep salue la mémoire de Jeanne Hercent, décédée le 30 décembre 2020 à l'âge de 100 ans. Elle était intervenue lors de la journée "Animation nature et environnement 1970-1990" organisée par le Pajep en 2016.

Voici l'hommage rendu par Dominique Bachelart, maitre de conférences en sciences de l'éducation à l'IUT de Tours et partenaire du Pajep pour le projet "Histoire et archives de l'animation nature et de l'éducation à l'environnement" :

Jeanne Hercent : un parcours foisonnant d’engagements éducatifs et écologiques

Dans l’histoire de l’animation nature et de l’éducation à l’environnement, Jeanne Hercent est une des figures fondatrices.

Jeanne a fait partie des enseignants pionniers qui se sont engagés sur les deux fronts de la protection de la nature et de l’éducation à l’environnement. Je l’ai rencontrée en 2015 à l’occasion de la préparation de la journée d’étude sur « l’Animation nature et environnement 1970-1990, Héritages, pratiques, engagements, Journée d’étude PAJEP, 16 novembre 2016 Elle m’avait raconté comment à l’appel de Michel Rose, instituteur, lors du colloque des ornithologues francophones au Muséum National d’Histoire Naturelle, elle avait été co-initiatrice des premières rencontres de Pont Labbé pour rassembler les enseignants qui partaient en classe nature et les animateurs « nature » qui les accompagnaient. Les rencontres qu’ils organisent en 1983 préfigurent ce qui deviendra le « réseau École et nature ».  http://animnat.hypotheses.org/.

Comment en est-elle arrivée là ? Après des études de physique-chimie à l’École normale, elle est brièvement institutrice. Elle emménage en Sarthe en 1957, d’abord en ville, puis en pleine campagne en 1964 où sa maison devient un site de baguage d’oiseaux. En 67, après un passage en lycée, elle devient professeur de biologie dans un collège. Nourrie dans sa pédagogie par les CEMEA, elle mène alors en parallèle l’enseignement et l’ornithologie, s’engage dans la vie associative, crée un club nature au collège, part en classe de mer. Elle anime une « coopérative de sciences » qui débouche chaque année sur une exposition. On l’imagine bien emmenant quelques élèves de 5ème dans sa voiture pour « expertiser un tronçon de forêt ».

Elle raconte qu’elle n’hésitait pas à « batailler ferme » pour avoir l’aval institutionnel, ni à interpeller la Ligue de l’Enseignement, les représentants de Jeunesse et Sport, de l’Éducation nationale ou de FNE France Nature environnement qui « en prenaient pour leur grade ». Elle milite à la SEPAM - Société d’étude et protection et d’aménagement de la nature en Maine avant de participer à la création en 1979 de ce qui deviendra SNE Sarthe Nature Environnement.

Elle témoignait de l’importance des expériences d’enfance dans sa sensibilité primordiale pour la nature, dans son rapport à la connaissance et ses manières de réagir où s’enracinent la succession de ses investissements ultérieurs.  Elle faisait partie d’une lignée d’enseignants qui fonde sa culture et sa sensibilité naturaliste : « Ma mère », disait-elle, « était agrégée de sciences, mes 4 grands-parents, instituteurs de campagne, connaissaient tout, en particulier mon grand-père maternel qui avait été instituteur en Algérie avait une culture encyclopédique, il connaissait les plantes, en particulier les champignons. Mes premières sorties naturalistes, je les ai faites avec lui, - j’avais 7 ans - et au fur et à mesure des années, arrivée à l’âge adulte, j’avais déjà des connaissances naturalistes largement supérieures à la moyenne. Il suffisait ensuite de compléter et d’affiner. J’ai fait des sorties ornitho, géologiques, botaniques et surtout j’ai animé des sorties botaniques parce que je savais me servir d’une flore. Elle perfectionne ses connaissances dans les journées de terrain organisées par Jeunesse et Sport dans le cadre des Amis du plein air, dans des stages de lecture du paysage.

Elle signalait également l’héritage syndicaliste dans sa socialisation familiale, dans sa propension à participer à des actions collectives et, peut-être, dans son tempérament protestataire.

Dans les années quatre-vingt, elle se forme en psychopédagogie au sein du GEREX avec François Chirivella de Toulouse sur la pédagogie différenciée et la lutte contre l’échec scolaire et ce qu’elle appelle la pédagogie du « détour ».   

A partir des années quatre-vingt, le réseau « École et nature » devient, pour elle, un lieu privilégié de rencontres où s’agrègent sa réflexion éducative sur l’apprentissage d’une pensée critique, constructive, les démarches méthodologiques sur la pédagogie de projet et ses engagements dans la protection de la nature. Elle s’y inscrit tantôt à titre personnel tantôt comme représentante d’association naturaliste. Elle y tient sa place d’enseignante face aux animateurs, avec sa parole vive, son enthousiasme, ses critiques et les débats « féroces » auxquels elle se plaisait à contribuer.

Elle y appréciait ce qu’elle décrivait comme une ambiance extraordinaire, de véritables retrouvailles entre gens du même courant de pensée, un vécu convivial, amical, des moments très forts. Elle aimait que les décisions partent d’en bas, des acteurs engagés, par l’analyse et la confrontation des activités professionnelles de terrain, par des ateliers techniques pour se perfectionner et des interventions plus conventionnelles pour nourrir la réflexion.

Après sa retraite, elle privilégie son engagement à Sarthe Nature environnement et contribue à la reconnaissance de l’association par sa participation à de nombreuses commissions et son travail de commissaire enquêteur.

Sans se lasser, sans gloser avec de grands mots sur l’engagement citoyen et militant, dans le grand âge, elle n’avait pas perdu l’appétence pour l’engagement collectif, la vivacité de parole pour défendre des causes, et la pertinence pour percevoir les enjeux politiques et institutionnels.

Dominique Bachelart

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